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Lilycare dans Gestion de Fortune : Un étonnant sondage sur la prévoyance des travailleurs non salariés

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Écrit par Lily le 06 Feb 2024

Gestion de Fortune : II ressort de ce sondage que vous avez fait réaliser, que seulement 36% des TNS déclarent avoir une couverture prévoyance. 64 % sont donc non couverts et certains, 25% d'entre eux, n'en voient même pas l'intérêt. C'est sidérant!


Sonia Elmlinger : Oui, c'est frappant alors que l'absence du chef d'entreprise en cas d'arrêt de travail, d'invalidité ou de décès déstabilise immanquablement l'activité de l'entreprise. De plus, elle met en danger la pérennité de l'emploi de ses salariés. Sans compter les dommages financiers pour les éventuels associés.

Yannick Nold : Notre étude Kantar démontre que, même s'ils sont particulièrement exposés aux risques, les TNS demeurent encore éloignés des enjeux de protection santé et de prévoyance les concernant. C'est d'autant plus regrettable que le capital santé des dirigeants est primordial. Il faut absolument le préserver et le protéger.


Il est paradoxal que les entrepreneurs pensent à assurer leurs locaux, leurs outils d'exploitation et leurs collaborateurs, mais ne prévoient rien, ni pour eux, ni pour l'avenir de leur activité en cas d'accident, d'arrêt de travail ou de décès. Ils sont plus de 1 sur 2 (53 %) à regretter d'être mal protégés face aux aléas de la vie et mal informés (57 %) !


Sonia Elmlinger : Il faut savoir que l'indisponibilité temporaire d'un chef d'entreprise conduit un tiers des entreprises à disparaitre. Sans capitaine à bord, le bateau coule! Ce chiffre est d'autant plus alarmant qu'il représente de plus un fort coût social qui se répercute sur la société toute entière.

Il faut aussi se rendre compte que ce phénomène touche de nombreux secteurs: ceux de la construction, de l'alimentation, des services, mais encore les professions libérales médicales et paramédicales. L'Union des entreprises de proximité (L'U2P) recense en France près de 3,7 millions d'entreprises de proximité. Elles emploient 22% de salariés du secteur privé et 35 % d'apprentis. L'enjeu est important.

Yannick Nold : N'oublions pas que la force motrice d'une entreprise repose sur celles et ceux qui la composent. Prévenir des risques avant d'y être confrontés, c'est permettre aux entreprises de se développer sereinement.

Pour moi, cela aurait du sens que l'état en fasse une priorité et rende obligatoire la mise en place d'un contrat de prévoyance pour les indépendants, comme il l'a fait pour les salariés en 2016.


S'ils ne se protègent pas, ces mêmes dirigeants d'entreprise et professionnels libéraux semblent conscients de leur vulnérabilité puisqu'ils aspirent assez largement à être couverts en cas d'imprévus: 80 % d'entre eux souhaitent l'être en cas de risque lié à une incapacité de travail et d'in-validité, 72% face au risque de dépendance. Le prix revient souvent comme facteur de blocage, à raison ou à tort ?


Sonia Elmlinger : Les freins sont clairement identifiés. Pour 66 % des entrepreneurs interrogés, c'est d'avoir à payer une nouvelle assurance qui bloque. D'autre part, penser ou anticiper des situations imprévues n'est pas pour un quart d'entre eux une priorité. On reconnait bien là - mais on ne saurait le blâmer - le réflexe de l'entrepreneur qui submergé par son quotidien n'a pas le temps de penser à autre chose et en premier lieu à sa protection à lui.

Mais pour vous convaincre que le coût de la souscription ne doit pas être un frein, regardons ce qu'il en est de près. Ainsi pour un avocat libéral de 35 ans, célibataire sans enfant qui souhaite se couvrir en cas d'arrêt de travail (accident, maladie, hospitalisation) et d'invalidité pour un revenu de 4 000 € par mois et un capital décès de 85 000 €, il lui en coutera 32 € tout compris par mois.

Pour un artisan plombier-chauffagiste de 44 ans, marié avec un enfant qui souhaiterait une couverture de 3 000 € par mois en cas d'arrêt de travail (accident, maladie, hospitalisation) et 108 000 € de capital décès, le tarif serait de 98 € par mois.

Notez bien que dans le cadre de la loi Madelin toutes ces cotisations sont en grande partie déductibles des revenus professionnels de l'ensemble de ces entrepreneurs.


Ce coût est relatif car le risque de maladie et d'incapacité invalidante avec baisse des revenus est loin d'être faible et les frais de soins peuvent être très lourds! Les gens en sont-ils conscients ?


Yannick Nold : Tout à fait, les frais de santé peuvent être très lourds et mettre en péril le budget d'une famille. Cette prise de conscience est bien présente en ce qui concerne la prévoyance: 45% des travailleurs indépendants entendent bien qu'en cas d'aléas de la vie, leur entreprise et leurs salariés ne sont pas protégés.

Ils sont donc, pour une majorité, conscients de leur vulnérabilité face aux accidents de la vie et aspirent assez largement à être couverts en cas d'imprévus: 80 % d'entre eux souhaitent l'être en cas de risque lié à une incapacité de travail et d'invalidité. 72 % souhaitent l'être face au risque de dépendance qui est un sujet majeur pour les travailleurs indépendants. Ils ne sont donc pas hostiles à ces protections, mais par manque d'informations claires sur ce que couvre un contrat de prévoyance, ils s'en abstiennent.


86 % des TNS ne savent pas du tout si et combien leurs proches vont recevoir de capital en cas de décès ou en cas d'accident invalidant. Êtes-vous surprise par cet ordre de grandeur ?


Sonia Elmlinger: Non, malheureusement, je ne suis pas du tout étonnée par ces chiffres. En tant qu'experte de la protection sociale depuis 25 ans, je constate tous les jours sur le terrain que ces risques ne sont pas suffisamment pris en compte par les travailleurs indépendants et les chefs d'entreprise.

Mobilisés par le développement de leur entreprise, les chefs d'entreprise pensent trop peu à protéger leur propre personne et leur famille. Alors qu'ils sont pourtant 82 % à redouter une maladie et que le sentiment d'anxiété est chez eux particulièrement élevé (selon une étude Opinion Way réalisée par Swiss Life en mai dernier).

Je le rappelle souvent, il est aussi un paramètre culturel à prendre en compte : nous, les Latins, rechignons à envisager le pire, tandis qu'a contrario nos voisins anglo-saxons prévoient majoritairement d'être couverts et recourent volontiers à des contrats complémentaires en prévoyance.


Lorsque vous discutez avec vos clients chefs d'entreprise comment réagissent-ils lorsque vous évoquez ce sujet de la prévoyance ?


Yannick Nold : Nous sommes face à des réactions variées. Certains conviennent immédiatement qu'il est important de se protéger, tandis que d'autres avouent ne pas savoir ni comment faire, ni à qui s'adresser pour obtenir une prévoyance. 

Il y a aussi ceux qui craignent que les coûts d'une prévoyance soient trop lourds et ceux qui sont sceptiques quant aux avantages réels qu'accorde le contrat de prévoyance. Il faut toujours faire preuve de pédagogie, désamorcer les craintes et les a priori infondés pour établir une relation de confiance. En tant que courtiers spécialisés sur ces sujets de protection sociale des indépendants, c'est à nous d'établir une communication claire et simple. Notre volonté est de trouver des solutions qui protègent les entrepreneurs tout en entendant leurs besoins et leurs contraintes budgétaires.

Autre point qui relève de notre mission, il est essentiel d'actualiser les dossiers de chacun.

En effet, bien souvent certains chefs d'entreprise se croient couverts par un contrat de prévoyance mis en place au début de leur activité mais, parce que leur situation a changé (ils se sont mariés, ont eu des enfants, etc.), leur contrat n'est plus du tout adapté à leur situation actuelle.

Aussi nous préconisons de mettre à jour tous les deux ans les contrats de prévoyance pour éviter toute mauvaise surprise. Les clauses de bénéficiaire, les montants de garantie, les franchises, nous vérifions chaque aspect du contrat pour veiller à son efficience.


A votre connaissance, les économistes et les parlementaires se sont-ils penchés sur ce sujet? Evaluent-ils le coût global de ce manque de prévoyance ?


Sonia Elmlinger : Certains économistes, chercheurs et politiques ont pris conscience que le manque de protection sociale du chef d'entreprise a des répercussions économiques et sociales significatives (coût de santé pour la sécurité sociale, productivité des entreprises, fragilité économique, disparition d'entreprises, etc.) mais ce sujet reste encore « sous le tapis » si vous me permettez l'expression. Il est considéré comme marginal alors qu'il est primordial. Malheureusement, les pouvoirs publics s'intéressent plus facilement à la prévoyance des salariés qu'aux travailleurs indépendants, ce qui est soit-dit en passant une aberration économique car les deux sont liés. Pour nous, ce sujet doit être désormais être traité de façon globale.


Les chefs d'entreprise que vous rencontrez ont-ils pris des précautions sur le plan juridique s'il leur arrive quelque chose ? Testament, procuration post mortem, pacte sur succession future, ajustement de leur situation matrimoniale...


Yannick Nold : Dans leur propres intérêts - juridiques et patrimoniaux - il est crucial que les travailleurs indépendants y pensent mais, en règle générale, ils sont souvent passés à côté de ces sujets par manque d'information. Consulter des professionnels du droit pour évoquer ces questions est essentiel.

Ainsi, les procurations post portem ou pactes de succession future sont des dispositifs qui sont peu mis en œuvre chez nos clients travailleurs indépendants. C'est fort dommage. Il serait essentiel de mieux les valoriser. De même pour les contrats « homme-femme clé (e) » ou des contrats dits « croisés associés » (en cas de décès d'un des associés).

Nous partons du principe que, par nature, les chefs d'entreprise prennent suffisamment de risques au quotidien.


Vous êtes CGP. membre de la CNCGP. Les conseillers financiers que vous êtes sont-ils eux-mêmes équipés et informés pour sensibiliser les TNS à la prévoyance ?


Sonia Elmlinger : Oui, c'est un sujet d'intérêt public! La part des très petites et moyennes entreprises (TPE - PME) en France représente 99,80 % des entreprises. Ces petites activités jouent un rôle primordial dans le tissu économique français. Elle pèsent aussi beaucoup dans l'emploi salarié. Par leur effort constant dans le domaine de la recherche et de l'innovation, ces TPE et PME créent une grande valeur ajoutée à notre économie.

Je pense qu'il faudrait réaliser une campagne nationale de sensibilisation sur ces questions de protection des dirigeants d'entreprise, le contrat de prévoyance n'étant qu'une une partie du dispositif.

Protéger le chef d'entreprise c'est protéger la société, c'est ma devise depuis de nombreuses années !


Ne devriez-vous pas suggérer un label « CGP spécialisé en santé-prévoyance »?


Sonia Elmlinger : Oui c'est une excellente idée, j'aimerais beaucoup qu'il existe. A ce jour, ce sont d'abord les CGP et les courtiers qui devraient être sensibilisés sur la question de la protection sociale du dirigeant et pas uniquement les spécialistes référencés « experts ».

Nous travaillons déjà avec de nombreux CGP dans toute la France qui nous délèguent ces sujets spécifiques en prévoyance et santé car ils ont identifié un besoin auprès de leurs clients chefs d'entreprise. Je pense que l'avenir des CGP passe par la spécialisation et l'interprofessionnalité au service et pour le bien de nos clients.

A bon entendeur!

n° 353 - Janvier 2024 - GESTION DE FORTUNE



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